Le texte qui suit est une ébauche
Des débuts de nouvelles comme
celui-là, j’en ai quantité dans mes tiroirs. Même si je suis dorénavant plus
orienté « roman », la nouvelle reste une forme d’expression que
j’affectionne.
De même que les pions – les
pièces les plus faibles de l’échiquier – sont l’âme du jeu d’échecs (c’est une
citation de Philidor, réputé comme le plus fort joueur du XVIIIème siècle), je
suis convaincu que les nouvelles sont l’âme de la Littérature.
« Ne t’inquiète pas, je suis là »
(Titre provisoire)
La télévision ne marchait plus.
Et ça ne venait pas du poste.
Les chaines avaient simplement
cessé d’émettre.
Eliane s’obstinait pourtant à
zapper, d’un écran noir à un autre écran noir.
- Arrête ! ordonna Pierre sans chercher à contenir son agacement.
Tu vois bien que ça ne sert à rien !
Mais elle était comme ça,
Eliane. D’un côté, il y avait les choses qu’elle pouvait accepter – que Pierre
rentrât un soir en lui annonçant avoir un ulcère à l’estomac ou que la radio lui
apprenne la mort d’une cinquantaine de boat-people, noyées à quelques
kilomètres des côtes.
Et de l’autre, ce qui lui apparaissait
inacceptable. Autrement dit tout le reste et principalement ce qui était
susceptible d’affecter sa petite personne.
Que la télévision n’émette plus la
moindre image, son esprit refusait. Ça ne rentrait pas dans l’Ordre des Choses.
Son Ordre des Choses à elle.
Écroulé dans son fauteuil,
Pierre épongea son front moite de sueur. Il était pourtant plus de minuit mais
l’après-midi avait été si brûlante qu’elle poissait encore l’obscurité d’une
touffeur suffocante.
- Mais enfin, qu’est-ce qui se passe ? se plaignit Eliane d’une
voix traversée par l’inquiétude.
Pierre jugea inutile de
répondre. La situation était on ne peut plus claire, les rebelles avaient pris
d’assaut le palais présidentiel et le gouvernement était tombé. Les dernières
nouvelles faisaient état de combats sanglants, le pays tout entier sombrait
dans le chaos. L’endroit allait très vite devenir irrespirable pour les plus
fortunés comme pour les étrangers.
Et Pierre appartenait à ces deux
catégories.
Sa chemise marbrée de sueur lui
collait au corps comme une seconde peau. Faute de mieux, il avala une nouvelle
gorgée de bourbon. L’alcool tiède lui arracha une grimace.
Le problème dans ces pays en
voie de développement, c’est qu’on pouvait certes amasser rapidement une petite
fortune - mais en risquant de tout perdre en l’espace de quelques heures. Dans ce
contexte, boire n’était sans doute pas la meilleure chose à faire – Pierre en avait
parfaitement conscience. Mais il arrive qu’un homme ait ponctuellement besoin d’aide.
Et que la seule qui se présente revête la forme d’une bouteille de mauvais bourbon.
Eliane s’assit en face de lui, la
mine boudeuse.
- Tu crois que ça va revenir ?
- De quoi tu parles ?
- La télé.
- La télé… mais on s’en fout de la télé ! Tu ne comprends pas ce qui
se passe ?!
Un court instant, Eliane – Eliane
qui faisait tourner la tête des hommes, Eliane si sûre d’elle, pleine de l’arrogance
de sa beauté – un court instant, Eliane ressemblât à une petite chose fragile et
perdue.
Pierre hésita entre la prendre dans
ses bras ou la gifler. Il ne fit ni l’un ni l’autre.
- Ne t’inquiète pas, je suis là ! murmura-t-il pour l’apaiser.
Les yeux dans le vide, Eliane ne
répondit pas. Elle s’alluma une cigarette, recracha bruyamment la fumée. Pierre
s’apprêtait à boire une gorgée de bourbon quand il suspendit le goulot à quelques
centimètres de ses lèvres.
- Qu’est-ce que tu as ? s’inquiéta Eliane.
Par delà la porte-fenêtre, il avait
cru voir un mouvement d’ombres là-bas, au fond du parc.
En lui-même, une pensée se forgea
instantanément : « Non, pas déjà ! »
- Pierre, qu’est-ce qu’il y a ? Réponds !
Par delà la porte-fenêtre, il avait
cru voir un mouvement d’ombres et l’éclair furtif de quelque chose de brillant.
La lame d’une machette au clair de
lune.
Je n’ai pas encore décidé de la suite.
Qu’en pensez-vous ?
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Bonne lecture !
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