samedi 14 mai 2016

Début de nouvelle « Par ta faute »

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Début de nouvelle « Par ta faute »


Le texte qui suit est une ébauche
 Des débuts de nouvelles comme celui-là, j’en ai quantité dans mes tiroirs. Même si je suis dorénavant plus orienté « roman », la nouvelle reste une forme d’expression que j’affectionne.
 De même que les pions – les pièces les plus faibles de l’échiquier – sont l’âme du jeu d’échecs (citation de Philidor, réputé comme le plus fort joueur du XVIIIème siècle), je suis convaincu que les nouvelles sont l’âme de la Littérature.

« Par ta faute »

(Titre provisoire)

 Tu as trop bu, trop fumé.
 Si les flics t’arrêtent, tu es mort.
 Mais tu conduis quand même. De toute façon, il n’y a personne sur cette départementale. Juste des arbres qui bordent la route de cette nuit sans lune. Une nuit noire, presque menaçante. C’est toujours dans ces moments-là, quand tu es défoncé que tes souvenirs remontent à la surface. Des souvenirs pas complètement refoulés, non.
 Et douloureux.
 L’autre en train de brutaliser ta mère dans l’exiguïté de la cuisine. L’autre, ton beau-père. Un enfoiré, une ordure. Pire que ça. Un mec toxique. Pour ta mère. Et pour toi. Parce que tu étais là, toi aussi. Dans cette cuisine de HLM. Haut comme trois pommes mais tu étais là – quantité négligeable pour l’autre. Tu avais voulu défendre celle qui t’avait donné la vie ; d’une seule main, l’autre t’avait envoyé valser contre le mur, sans même te regarder. Et il avait continué à tabasser ta mère. A coups de poing, coups de pieds.
 Des cris, des pleurs. Des larmes.
 Du sang.
 Le poids de la culpabilité, jamais tu n’as pu te l’enlever de la tête. Il aurait fallu que tu puisses empêcher ça. D’accord, tu n’avais que sept ans. Mais ce n’est pas une excuse, tu aurais dû pouvoir empêcher ça !
 Tu continues à accélérer, tu roules maintenant pied au plancher. Comme si la vitesse pouvait faire fuir les souvenirs, la chienlit, les traits de l’autre et de son masque de haine – le visage de ta mère, tuméfié. Tu chiales, toi aussi. Tu en as tellement marre de te trimballer ces souvenirs de merde, tellement marre de cette vie à la con.
 Et peut-être et surtout, tellement marre de toi.
 D’être toi.
 D’un coup, le virage. Et une voiture en face. Tes pneus hurlent à la mort, coup de volant de l’autre pour ne pas t’emplafonner, tu rétablis en ligne droite alors que lui se crashe dans le dixième de seconde – bruit de l’impact, mat, terrible dans ton rétro rouge jaune sur fond noir, tu ne t’arrêtes pas.
 Tu continues.
 Vite, il faudrait te garer sur le bas-côté, aller voir s’il y a des blessés – des morts, peut-être ?!
 Mais tu continues.
 Tu continues parce que c’est trop compliqué et que tu ne maîtrises plus rien ; parce que tu as trop bu, trop fumé ; parce que peut-être, demain matin tu réaliseras que tout ça n’est qu’un cauchemar et que tu te réveilleras dans ton lit d’enfant, tu auras cinq ou six ans et ta mère viendra te réveiller avec son grand sourire de jeune fille seule qui y croit encore, malgré tout. A la vie, au soleil. A l’amour.
 L’avenir.
 Tu continues parce que maintenant c’est trop tard, d’autres voitures viennent en sens inverse et même si tu faisais marche arrière, il y aurait délit de fuite.
 De toute façon.
 Tu dessaoules, c’est brutal.
 Peut-être que le type en face n’a rien eu, peut-être que c’est juste de la tôle froissé !
 Peut-être que tu vas échapper à ces emmerdes-là.

 Mais pas sûr.

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Bonne lecture !

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