Quand j’étais jeune, la première fois
que j’entendis parler d’un « Roi
sans couronne », ce fut à propos de Paul Kérès, un joueur d’échecs.
Paul Kérès est né en Estonie en 1916. En
1940, l’Estonie est envahie par l’URSS de Staline, ainsi que le prévoyaient les
accords secrets du pacte germano-soviétique de 1939.
L’année suivante (le 22 juin 1941),
c’est l’opération Barbarossa : Hitler attaque à l’est sans préavis. Trois
millions de soldats allemands déferlent simultanément sur une ligne de front
partant du nord de l’Allemagne au sud de la Roumanie. En Estonie, les
envahisseurs changent de nationalité ; ils ne sont plus soviétiques mais
allemands.
Kérès choisit de continuer à jouer aux
échecs sous l’occupation allemande. Cela lui vaudra d’être emprisonné par
l’armée rouge à la fin de la guerre – un moindre mal dans la mesure où il
aurait dû être fusillé. Boris Spassky (Champion du monde des échecs de 1969 à
1972) dira : « Pour moi,
c’est un mystère comment Kérès a pu survivre en 1945. » Plusieurs
personnes auraient intercédé en sa faveur auprès des plus hautes instances -
dont Mikhaïl Botvinnik, autre champion des échecs.
L’Estonie étant intégrée au sein de
L’URSS, Paul Kérès devient citoyen soviétique. D’abord exclu des compétitions,
il finit par intégrer l’équipe nationale où figurait déjà un certain… Mikhaïl
Botvinnik.
Botvinnik dit lui-même avoir été « exempté de l’obligation de servir dans
l’armée » pendant la seconde guerre mondiale – trop important, trop précieux
pour cela. Viatcheslav Molotov, celui à qui Staline a demandé d’annoncer
l’attaque allemande dans la nuit du 21 au 22 juin 1941, le formulera clairement :
« Il est absolument nécessaire de
maintenir le camarade Botvinnik prêt pour jouer aux échecs. »
Vient le tournoi des candidats de 1948
pour le titre de champion du monde. Au cours d’un match décevant émaillé
d’erreurs de part et d’autre, Kérès est battu par Botvinnik. Personne ne
reconnait le style d’ordinaire si fougueux et brillant de Paul Kérès. Botvinnik
est sacré Champion du monde.
Par la suite, Kérès échouera toujours
sur l’avant-dernière marche (le tournoi des candidats) dans sa quête pour le
titre suprême, battu à chaque fois par le futur Champion du monde (Smyslov en
1953 et 1956, Tal en 1959 et Petrossian en 1962).
Desservi par les circonstances ou victime
de malchance, Paul Kérès restera le « Roi
sans couronne » du monde des échecs. Il est décédé le 5 juin 1975 (à
l’âge de 59 ans) d’un infarctus à l’aéroport d’Helsinki.
Paul KERES |
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