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Le grand jour : la sortie de votre livre
Ça y est, le grand
jour est arrivé ! Après tant d’efforts, de litres de café noir, de
cigarettes et de nuits blanches, après avoir essuyé des kilomètres de refus de
maisons d’édition aux lecteurs tous plus incompétents les uns que les autres,
vous avez enfin réussi à convaincre un petit éditeur de votre talent.
L’instant tant
attendu est arrivé : vous tenez votre
livre entre vos mains !
C’est beau, un
livre.
Surtout quand
c’est vous qui l’avez écrit.
Mû par la
certitude d’avoir conçu une œuvre qui fera date dans l’Histoire de la
Littérature, il vous reste maintenant à aller à la rencontre de vos lecteurs. Afin
de vous y préparer, je vous invite à réfléchir à l’une des questions récurrentes
qui ne manquera pas de vous être posée :
- Ça parle de
quoi, ton livre ?
Car ne vous en déplaise, votre air de ravi de
la crèche si fier de son œuvre fraîchement imprimée ne suffira pas à faire
lâcher un billet de dix ou de vingt à qui que ce soit.
C’est la crise, les gens n’ont plus d’argent.
La plupart rechignent à sortir leur porte-monnaie, tous rognent sur tout. Sans
compter que des millions de livres sont accessibles gratuitement à la
bibliothèque et sur le net. Il va falloir argumenter, prouver.
Que leur bonheur est à l’intérieur des pages
de votre ouvrage.
- Alors ?
Ça parle de quoi, ton bouquin ?
En termes de réponse, plusieurs options sont
envisageables.
Première option :
L’arrogance de l’écrivain
sûr de son génie
- Achète-le,
tu verras bien !
Fortement déconseillé. Vous avez toutes les
chances que votre interlocuteur vous gratifie d’une moue dégoûtée avant de vous
planter là sans plus de commentaires.
Seconde option :
La posture métaphysico-intellectuelle
Commencez par lever les yeux au ciel comme s’il vous fallait avoir recours à une réponse divine inscrite là-haut, entre deux nuages ; puis revenez vers votre interlocuteur, le visage empreint d’un sentiment de souffrance matinée d’impuissance.
- Ça
parle de… comment dire ? Non, en fait c’est trop complexe. Je ne peux pas
réduire l’histoire en quelques lignes. Il faut vraiment acheter le livre.
Très moyen. Qui voudrait lire un livre « si complexe » que son propre auteur
avoue son incapacité à le résumer ? Einstein, peut-être ? Il faudrait
le lui demander.
Troisième option :
Appâter en visant au
dessous du niveau de la ceinture
En clair, parler sexe.
Classique mais la méthode a déjà fait ses
preuves : quel écrivain ne rêverait pas de la moitié du quart des ventes
de Cinquante nuances de Grey ?
- C’est
hyper branché cul. Le héros me ressemble mais ce n’est pas moi. Enfin pas
exactement, même s’il y a des ressemblances. Dans le livre je dis tout, je
raconte tout et je donne des détails sur la façon dont le héros s’y prend pour
faire jouir ses partenaires plusieurs fois d’affilée. Au passage, je donne
aussi des conseils de bonne pratique du cunnilingus ou comment réussir une
sodomie à sec.
Soyez certain que l’intérêt de votre
interlocuteur sera éveillé ; cependant, le risque est grand de vous voir
catalogué (voire réduit) en un vulgaire auteur de « bouquin de cul ». Et si les scènes torrides de votre livre se
révèlent chaudes sans parvenir à devenir brûlantes, vous décevrez. Définitivement.
Quatrième option (la meilleure ?) :
Un
résumé qui ratisse large pour donner envie !
- Le
personnage principal est un journaliste d’investigation blacklisté pour avoir
percé à jour des affaires de corruption au sommet de l’Etat. Il va enquêter sur
la disparition de sa voisine de palier, une étudiante occasionnellement
top-modèle (pour payer ses études) dont il est secrètement amoureux. Ses
recherches vont l’emmener en Amérique du sud puis à New-York, Dubaï et les îles
du Pacifique avant de trouver son épilogue sur une plage des Caraïbes. Ça baise
à tous les chapitres et plusieurs histoires d’amour et de trahison s’enchevêtrent
sans qu’il soit possible de démêler le vrai du faux. Le danger est permanent,
le suspens ne se relâche jamais et certains paient de leur vie leur témérité.
Plusieurs sujets sont abordés en parallèle dont le terrorisme, les menaces
climatiques imminentes que l’on nous cache et la traite des blanches. Au
passage, je développe aussi une théorie pour gagner à coup sûr aux jeux de
hasard, je donne une recette inédite de tarte aux pommes et je révèle la
véritable origine des statues de l’île de Pâques.
- Tout ça dans
un même livre ? Ça doit être un véritable pavé !
- Non, à peine
une centaine de pages. Mais tu sais, il faut être ambitieux de nos jours !
L'origine des statues de l'île de Pâques enfin révélé ! |
Evidemment, si
votre roman parle des affres d’un employé des PTT à la retraite et de son désir
de revanche suite à la partie de scrabble qu’il a perdu d’un point contre son
ami Duchmol, ce sera plus compliqué à défendre.
Bonne chance à
vous !
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