CE QUE VEULENT LES GENS (un conte noir et inédit)

 

Le CHAOS de la vie

 Ce que les gens veulent, c’est d’abord ne pas souffrir. Ensuite, avoir du plaisir.

 Un maximum de plaisir.

 Les gens veulent jouir. Jouir jusqu’à l’extase, jusqu'à tomber à la renverse, les bras en croix en murmurant "Oh mon Dieu, c’est si bon !"

 Jouir à la limite de l’évanouissement.

 Voilà ce que veulent les gens, pour essentiel.

 Cependant, on peut aussi dire que les gens apprécient d’être admirés. Admirés et reconnus, pour ne pas dire enviés.

 Comme il est fort !

 Comme elle est belle !

 Comme il (elle) a de la chance !

 Comme j'aimerais être à sa place...

 Les gens éprouvent également le besoin d’un sentiment d’appartenance. « L’être humain est un animal social » (ce n’est pas un constat qui date d’hier, cette phrase étant attribuée à Aristote).

 Les gens veulent une vie facile et sans obstacle. Ce pourquoi ils sont si nombreux à s’efforcer de gagner un maximum d’argent, la puissance financière étant assimilée à une sorte de baguette magique des temps modernes.

 Elle est censée résoudre sinon tous les problèmes, du moins une grande partie.

 Les gens veulent vivre longtemps, vieux et en bonne santé ; par contre, ils répugnent à manger des fruits et des légumes, leurs préférences se tournent résolument vers les plats gras, salés et sucrés - des entrecôtes saignantes et des montagnes de frites arrosés de bon vin pour les uns, des pots entiers de crème glacée et des kilos de chocolat pour les autres.

 Les gens veulent se sentir libres, sans contrainte. Ils ne veulent même aucune contrainte ! Car sinon, comment feraient-ils pour se déplacer du jour au lendemain à l’autre bout du monde, de façon à pouvoir vivre en slip de bain, au bord de la mer par trente-cinq degrés à l’ombre toute l’année ?

 Recensez le nombre d’animaux de compagnie abandonnés au bord des routes et vous comprendrez.

 Les gens veulent être célèbres à l’instant où ils rentrent dans un grand restaurant, de sorte que la meilleure table leur soit réservée ; par contre, ils exigent l’anonymat (et qu’on leur fiche la paix !) aux environs de trois heures du matin, quand ils réintègrent leur hôtel.

 Personne n’a envie de se retrouver avec un paparazzi endormi devant la porte de sa chambre, le matin au petit déjeuner.

 Les gens veulent que les choses aillent vite ; ils ne supportent pas d’attendre, où qu’ils soient. Parce que la vie, disent-ils : « C’EST MAINTENANT ! » Et qu’il faut en profiter, à tout prix !

 Alors que l’attente est un temps neutre où on ne fait rien – où il ne se passe rien.

Un temps perdu pour la jouissance et l’exaltation des sens.

 

 Les gens n’ont pas le temps d’aller voir leurs vieux, dans les maisons de retraite où les couloirs sentent la mort et l’eau de javel.

 Que les autres meurent, c’est une chose – mais qu’eux-mêmes puissent vieillir, au point de passer un jour de vie à trépas, c’est INSUPPORTABLE !

 Et les gens ne veulent pas songer à l’insupportable.

 Entre ce que veulent les gens et ce que la réalité leur impose, chaque jour un fossé de plusieurs milliers de kilomètres s’élargit.

 Ce pourquoi nous rencontrons tant de gens amers ou en colère, au visage défait.