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EXTRAIT :
7
DITES À VOS AMIS DE VOUS
FOUTRE LA PAIX
LE TEMPS DE L’ÉCRITURE DE VOTRE ROMAN !
Si vous êtes en couple – jeune marié(e) ou marié(e) avec des enfants – ne cherchons pas à nous voiler la face : la tâche s’annonce ardue.
Flaubert, dans sa correspondance, évoquait l’un de ses amis fraîchement marié en ces termes : « Il est perdu pour la Littérature ! »
Loin de moi l’idée de dispenser des conseils susceptibles de générer des troubles conjugaux car la famille, c’est sacré ! Aussi me contenterai-je de quelques points de repère, pour celui ou celle qui entend se donner les moyens d’écrire un roman qui marque les esprits.
☻De l’obligation de travailler pour gagner sa vie
→ Privilégier les emplois de type réceptionniste de nuit dans un hôtel ou (idéalement) veilleur de nuit sur un site industriel où il ne se passe rien. De sorte que vous puissiez écrire, tout en étant payé.
☻De la nécessité de dormir
→ Cinq heures par nuit. C’est le seuil minimum qu’ont établi les scientifiques pour avoir « un cœur qui bat avec efficacité ». Réduire votre sommeil vous permettra d’écrire davantage.
☻De l’hygiène personnelle
→ Se laver est un incontournable si l’on vit en couple (ou si l’on partage la couche d’une autre personne) Mais c’est du temps perdu pour les célibataires.
Le temps de prendre une douche correspond approximativement à celui nécessaire au premier jet d’un chapitre.
PS Ne culpabilisez pas : certains dermatologues préconisent de se laver seulement une fois tous les trois jours, afin de préserver le film hydrolipidique de la peau.
☻Du temps passé à acheter de quoi remplir le frigo
→ Internet, ce n’est pas fait pour les chiens ! Faites-vous livrer, vous gagnerez du temps.
D’accord, ce n’est pas très écologique mais il faut savoir ce que vous voulez : sauver la planète ou écrire un roman ?
☻ Du temps passé avec ses amis
Quelle est votre priorité ? Boire des coups avec vos proches et refaire le Monde jusqu’au bout de la nuit au cours de discussions à n’en plus finir qui ne mènent nulle part - ou écrire un roman ?
Si vous optez pour la Littérature, dites à vos amis que – non, vous n’êtes pas disponible en ce moment. Et que ce moment risque de durer quelques mois. Au moins. Car vous êtes en train d’écrire un roman qui, peut-être, marquera le siècle. Ils devraient comprendre.
Et s’ils ne le comprennent pas, posez-vous la question : sont-ils vraiment vos amis ?
8
SOYEZ
AMOUREUX !
Oui, je sais. Cette règle peut sembler en contradiction avec la règle n°7 (qui, pour simplifier, consiste à dégager un maximum de temps pour votre projet littéraire). Mais cela n’est qu’une apparence. Car être amoureux, c’est se voir insuffler une énergie monstrueuse, qu’aucune mesure – même en kilotonnes – ne saurait évaluer. Et, cerise sur le gâteau, c’est une énergie durable (au moins le temps de votre sentiment).
C’est bien connu, quand on est amoureux, on ne mange plus, on ne dort pas. Mais on peut encore écrire pour libérer ce qui menace nous faire exploser !
Bien sûr, la ligne de crête est étroite. Mais c’est tout l’art de l’écrivain de se transformer en funambule. Et d’être capable de jongler entre le trop et le pas assez.
9
APPRENEZ
QUELQUE CHOSE
À VOS LECTEURS !
Pourquoi les gens lisent-ils, à votre avis ?
À cette question simple, beaucoup essaient de noyer le poisson. « Parce que j’aime ça » disent certains. Ou « Parce que ça me distrait ».
Bien peu ont le cran d’évoquer la véritable raison.
La vérité, c’est que les gens ne comprennent rien au monde dans lequel nous vivons. Alors ils s’interrogent, se demandent s’ils font les bons choix. S’angoissent. Et finissent par cadenasser leurs portes à double-tours.
Faute de mieux, ils cherchent dans les livres les réponses à leurs angoisses existentielles - et c’est à vous, écrivain, de leur apporter.
Bien sûr, il ne s’agit pas de leur donner l’impression de les ramener sur les bancs de l’école ; de même, prenez garde à ne pas les assommer avec des théories fumeuses ou des informations dont personne n’a que faire - mais apprenez-leur quelque chose.
Ne serait-ce qu’un point de détail, une anecdote. Quelque chose à laquelle ils n’avaient jamais songé.
Ainsi, grâce à vous, vos lecteurs (lectrices) auront le sentiment de progresser de quelques centimètres sur les millions d’années-lumière que chacun se doit d’accomplir sur le chemin de la connaissance. N’ayez aucun doute sur le fait qu’ils vous en seront reconnaissants.
10
LISEZ !
Il serait puéril de croire qu’il suffit d’écrire pour devenir écrivain. Car en réalité, tous les écrivains – au moins ceux qui ont rencontré le succès – sont de grands lecteurs.
Alors faites comme eux : lisez.
Mais attention, il ne s’agit pas de faire semblant. De feuilleter négligemment quelques ouvrages au hasard des rayonnages d’une bibliothèque et de s’en tenir pour quitte. Non, lisez.
Et lisez VRAIMENT !
Lisez tout Dostoïevski, Faulkner et Gustave Flaubert. Lisez les deux mille quatre cents pages d’« À la recherche du temps perdu », de Marcel Proust, le phénoménal « Guerre et Paix » de Léon Tolstoï, « Les Misérables » de Victor Hugo et « L’Homme sans qualités » de Robert Musil.
Lisez toutes les nouvelles de Guy de Maupassant et ajoutez à vos lectures de la science-fiction et de la poésie, des drames et des récits érotiques, lisez tout ce qui vous tombe sous la main – des journaux et des notices IKEA, des cartes de bonne année et des articles sur l’évolution des végétaux au fil des âges ou la nourriture pour chiens.
Devenir un grand lecteur, c’est fertiliser le terrain en jachère qui vous permettra de devenir écrivain.
Enfin et pour ce qui concerne votre propre production, pensez au gueuloir de Flaubert.
Lisez à haute voix et aussi fort que vous le pouvez les parties de votre roman que vous venez de travailler. Vérifiez ainsi que "cela sonne".
Car l'écriture n'est pas seulement une suite de mots assemblés les uns derrière les autres, c'est aussi une partition musicale. À vous de façonner votre style - heavy métal ou petite musique de nuit ?
11
DOUTEZ !
Doutez de votre talent, de votre capacité à écrire un livre. Doutez de votre vocation et ayez peur de tout : du temps qui passe, des contraintes qui vous empêchent d'écrire. De la fatalité qui pourrait vous voler votre vie juste avant que vous ayez pu inscrire le mot "FIN" sur votre précieux manuscrit.
Doutez de votre identité, de l'intérêt de votre présence en ce Monde. Et sans rien renier de toutes ces chaînes, de vos angoisses et vos douleurs multiples, libérez le flot de votre écriture sur le papier comme s'il s'agissait de votre propre sang, celui d'une saignée digne du XVIIIe siècle.
À ce prix, vous obtiendrez la vérité de ce que vous êtes.
Prenez garde cependant à n'en point trop faire. Pour rappel, l’usage de la saignée est parfois apparu comme « forcené », ainsi qu’en attestent les quarante-sept prélèvements faits en un an chez Louis XIII et les deux mille saignées endurées par Louis XIV au cours de son existence.
Quant à George Washington (le premier président des États-Unis), tombé malade en décembre 1799, il se vit infliger par ses médecins une saignée de plusieurs litres de sang en quelques heures. Ce qui, probablement, accéléra son décès.
12
SAUVEZ VOTRE ÂME !
Pourquoi, à votre avis, les écrivains - les peintres, les sculpteurs, les musiciens et tous les artistes en général – pourquoi mettent-ils autant d’ardeur à la création de leurs œuvres ?
Parce que Dieu reconnaîtra les siens.
Autrement dit, les créateurs – comme lui. À ceux-là, Dieu réservera une place de choix. À sa droite, lors du grand banquet de l’au-delà.
Mais Dieu n’apprécie pas les œuvres vite torchées, à la va-vite, ni les mauvais brouillons.
N’oubliez pas qu’il nous a déjà créés, nous.
Dorénavant, visez l’excellence !
13
NE SUIVEZ
AUCUN CONSEIL
ET N’ÉCOUTEZ PERSONNE !
N’écoutez personne – cela vaut aussi pour moi ! D’ailleurs, détruisez ce livre. Mettez-y le feu, brûlez-le !
Et oubliez tout ce que l’on a pu vous raconter, tout ce que vous avez pu lire, entendre sur ce sujet – sur ce qu’est un écrivain et sur votre projet de le devenir.
Car il est temps dorénavant de tracer votre propre voie.
Temps de vous défaire de toutes ces influences, de toutes ces personnes, bien intentionnées ou non, qui ne demandent qu’à vous expliquer le Monde et vous dicter votre conduite ; il est temps de vous regarder en face dans un miroir.
Êtes-vous un écrivain – ou voudriez-vous simplement le devenir ?
Et surtout, êtes-vous prêt à en payer le prix ?
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