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Toute ma vie, il m’a fallu attendre.
Attendre que le Père Noël soit passé pour
ouvrir mes cadeaux.
Attendre que le DJ mette un slow pour que je
puisse inviter une fille à danser.
Attendre mon train sur le quai d’une gare
balayée par le vent glacial. Et une fois dans le wagon, attendre qu’une place
se libère pour pouvoir m’asseoir.
Attendre que la personne qui s’est enfermée
dans les toilettes daigne sortir pour me soulager d’un besoin pressant.
Attendre aux feux rouges et aux péages
d’autoroute.
Attendre que le gros de l’averse soit passé
pour mettre le nez dehors (surtout si mon parapluie est resté dans ma voiture).
Attendre qu’un automobiliste ralentisse pour
traverser la rue.
Attendre que le café ait fini de passer. Que
le grille-pain ait grillé mes tartines.
Attendre que la personne devant moi retourne
toute sa petite monnaie pour s’acquitter de sa baguette. Attendre que la
suivante ait fini de raconter sa vie à la boulangère.
Attendre que vienne mon tour à la caisse de
l’hypermarché.
Que la caissière change le rouleau de papier
sur lequel sera imprimé mon ticket.
Attendre les ascenseurs (certains prennent un
malin plaisir à faire le yo-yo à tous les étages, sauf au mien).
Attendre que mes appels téléphoniques trouvent
quelqu’un au bout du fil pour me répondre.
Attendre que le dépanneur de la machine à café
daigne venir nous secourir.
Attendre que mon tour vienne ou que l’on me
donne la parole pour m’exprimer en réunion.
Attendre que mon ordinateur ait fini de
digérer mon mot de passe pour me donner accès à un moteur de recherche.
Attendre mes primes de fin d’année pour
pouvoir m’acheter un nouvel ordinateur.
Attendre que mon invitation soit acceptée pour
avoir un nouvel ami sur Facebook.
Attendre le moment des soldes pour acquérir un
nouveau costume.
Attendre que ma Direction statue sur mes
demandes de promotion pour savoir si je vais être augmenté.
Attendre que la serveuse tourne la tête vers
moi afin que je puisse lui passer commande (rebelote pour l’addition).
Attendre que la banque me donne son accord
pour pouvoir acheter un logement (et pour changer de voiture).
Au fond de mon lit, attendre que le sommeil
consente à m’accorder ses faveurs.
Toutes ces heures mises bout à bout feraient
des semaines, des mois.
Peut-être même des années.
Certains pourraient en concevoir de l’amertume
et s’échauffer :
- Rendez-moi mes heures
d’attente, que je les utilise à bon escient !
Pas moi.
Car toutes ces heures qui, mises bout à bout,
feraient des semaines, des mois,peut-être même des
années
- ce fut autant de temps à rêver.
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