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Négocier avec soi |
Imaginez qu’un jour, vous vous réveilliez en crachant du sang.
Voilà, c’est exactement ce qui m’est arrivé un matin, au lever.
Ça y est, vous vous représentez la scène ?
À votre avis, qu’est-ce que vous vous seriez
dit, si vous aviez été à ma place ? Vous vous seriez dit que vous étiez
foutu.
Que vous alliez mourir.
Et c’est ce que je me suis dit.
Pas tout de suite, bien sûr. Je suis d’abord resté interdit. Stupéfait. Je n’avais pas prévu de mourir si tôt, à vingt-sept ans.
Ensuite, j’ai été me faire un café. Noir.
J’avais l’estomac noué, j’aurais été incapable d’avaler quoi que ce soit mais j’avais envie, besoin d’un café.
Si quelqu’un m’avait vu à ce moment-là, il aurait pu se dire : « Ce type est parfaitement normal. Il vient de se lever et se prépare un café. »
Peut-être.
Mais même si rien ne me trahissait en apparence – dans ma tête, c’était l’enfer !
Stalingrad en février 43.
D’accord, je n’y étais pas. Mais j’ai lu des livres, là-dessus.
La pensée qui me revenait en boucle, c’était : « Tu vas mourir. » Et comme je ne voulais pas, j’ai essayé de trouver un moyen de m’en tirer – et j’ai commencé à prier, alors que je n’avais jamais cru en Dieu ni en quoi que ce soit qui s’en rapproche.
Je me souviens m’être dit : « Seigneur,
si vous me laissez la vie sauve, je vous jure – je vous promets de devenir un
être meilleur. Un homme attentif à son prochain, capable d’écoute et de
générosité ! »
Alors, une petite voix intérieure m’a soufflé : « Concrètement, tu ferais quoi ? » - et j’ai pensé au SDF, en bas de chez moi ; un pauvre bougre, sale comme un peigne et qui, inlassablement, faisait la manche.
Je ne lui avais jamais rien
donné.
En mon for intérieur, j’ai pensé : « Si vous me laissez la vie sauve, je lui donnerai un billet de vingt. »
Puis, un peu plus tard dans la matinée, je me suis rendu compte qu’en réalité, j’avais juste eu un petit saignement de gencive, pendant la nuit.
Ma vie n’était pas en danger.
J’étais sauvé ! J’avais encore toute la vie devant moi.
L’après-midi,
quand je suis sorti, j’ai croisé le SDF, en bas de chez moi – et je me suis
souvenu de ma promesse.
J’ai fouillé mon
porte-monnaie et lui ai donné une pièce d’un euro.
Un billet de vingt ? Non, ça faisait vraiment trop cher payer – surtout qu’au moment où je l’avais envisagé, j’étais en situation de faiblesse.
Il faut savoir
négocier avec soi-même.
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