![]() |
Laisser dormir ! |
L'heure de la retraite avait sonné pour Jean-Louis.
La quille.
Enfin !
- Cent fois, je me suis demandé si j'y
arriverais ! Je peux dire que j'en ai bavé, toute mon existence.
Le bougre en avait les larmes aux yeux et Jeanine, son épouse depuis presque quarante ans, compatissait.
Ce que son mari retenait de sa vie
professionnelle, c'était une vie de labeur - une vie à travailler en 3x8, à se
lever à l'aube, à l'heure où le soleil paressait encore. Une vie à affronter le
froid du petit matin sur le quai de gare balayé par le vent, la pluie, parfois
la neige et la tempête, avant d'enchaîner des cadences infernales sur des chaînes
de montages aux entêtantes odeurs d’huile et de métal.
- Et encore, je peux m'estimer heureux
! Je n'ai jamais connu le chômage.
- Qu'est-ce qui te ferait plaisir pour
ton premier jour de retraite ?
- Dormir. Faire la grasse matinée
jusqu’à plus soif ! Je veux que tu ne me réveilles sous aucun
prétexte. Aucun, tu m’entends ?!
- D'accord, mon bichon. Ce sera comme tu voudras.
Sans lui dire, Jeanine avait organisé une
surprise pour ce fameux premier jour de retraite. Leurs enfants -
belles-sœurs et beaux-fils compris -, tous avaient été conviés à partager leur
repas de midi.
- Surtout ne dites rien ! Votre
père n’en sera que plus heureux.
À onze heures, Jean-Louis était toujours au lit.
- Il a bien raison d'en profiter !
On va le laisser dormir.
Mais à midi et demi, il n'avait toujours pas
ouvert l'œil.
- Tant pis, on va commencer à manger
sans lui.
- Ça le fera peut-être venir !
Toute la famille s'était appliquée à se
sustenter sans faire de bruit. Il fallait laisser dormir le patriarche. Il
l'avait bien mérité !
À dix-neuf heures, Jean-Louis n'avait toujours pas émergé.
- Ça commence quand même à m’inquiéter !
Poussée par ses enfants, Jeanine avait fini
par passer une tête à travers la porte de leur chambre.
- Bichon ?
Bichon ne répondrait plus.
Il était déjà froid depuis des heures.
#Retraite
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire