"Les plus belles années où l'on se bat " est un roman inachevé.
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| Pas simple |
Ton père le tombeur
Ton père a fichu
le camp de la maison. Ce qui n’est pas nouveau puisqu’il est déjà parti
plusieurs fois - et très souvent en claquant la porte (si fort qu’un jour, le
miroir de la salle de bain en est tombé par terre et a éclaté en mille morceaux).
Mais cette fois,
c’est différent.
Parce que tu sais qu’il ne reviendra pas.
Au début, tu en es presque soulagé. Fini les pleurs, les portes claquées, les hurlements dans la cage d’escalier et les sourires narquois des voisins.
Tu vois ton père
de temps en temps, presque toujours dans le café où il te donne rendez-vous (tu
ne sais pas où il habite). Tu aimerais le voir davantage, mais chaque fois que
vous partagez un moment, tu es déçu parce que ton père ne fait que parler que
de lui.
Les choses se
déroulent toujours de la même façon. Pour commencer, il lui faut vider son sac.
Animé d’une colère froide qui semble ne jamais devoir le quitter, le regard fixe comme s’il lisait un texte par-delà les vitres du café, il agonit ta mère de tous les maux de la terre. Putain, salope… - il n’a pas de termes assez durs pour elle. Le ressentiment vire au tissu d’insanités, des mots que tu aimerais n’avoir jamais entendu.
- Arrête, Papa !
Il ne t'entend pas, il lui faut cracher son venin.
Puis, les mains tremblantes et le visage rendu fiévreux par l’énervement, il enchaîne sur le sujet qui le passionne le plus : lui-même.
D’accord, il
consent être au chômage depuis trop longtemps et cela, malgré plusieurs
opportunités d’emploi qu’il a délibérément laissé filer. Mais il est hors de
question qu’un homme comme lui se brade pour une poignée de cerises !
Un jour, il montera sa propre boite.
Il ne sait pas encore dans quel domaine, mais il leur
montrera à tous, de quoi il est capable !
Pour le moment, il
avoue avoir d’autres préoccupations. Des préoccupations qui s’appellent
Aurélie, Claudine, Marie-Ange et d’autres prénoms que tu as renoncé à retenir.
Car ton père est un séducteur, un tombeur – et il a envie que ça se sache !
« Je te jure, fiston ! Il y a des jours où
je ne sais plus où donner de la tête… enfin, quand je dis de la tête… »
et il éclate de rire avant d’ajouter, un sourire complice au coin des
lèvres :
« Tu verras. À toi aussi, ça t’arrivera. »
Tu ne comprends pas ce à quoi il fait allusion, tu viens tout juste d’avoir huit ans.
Tu voudrais juste que ton père s’intéresse à toi, ne serait-ce qu’un peu.
Au bout du compte, ton géniteur finit par regarder sa montre et se lève en abandonnant quelques pièces sur
la table. Toujours le compte rond, au centime près.
« Ils se font déjà suffisamment de couilles en or
sur notre dos ! Allez, il faut que j’y aille. Sinon toi, ça
va ? »
Mais il est trop
pressé pour attendre ta réponse. Tu n’as pas encore ouvert la bouche qu’il est
déjà parti.
Extrait d'un roman inachevé :
"Les plus belles années sont celles où l'on se bat"

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