J'avais accepté leur rituel - accepté qu’ils me bandent les yeux et ils m'avaient amené là, dans cet endroit à l'odeur de bunker désaffecté.
Ils m’avaient fait
asseoir sur une chaise.
Une voix grinçante
d'adolescent, celle de leur chef, m’avait hurlé dessus :
- POURQUOI TU VEUX FAIRE PARTIE DE NOTRE GROUPE ?!
RÉPONDS SANS RÉFLÉCHIR, VITE !
Je sentais les
autres, leur présence en arrière-plan.
- Pour être ami avec vous.
- POUR CETTE RAISON, UNIQUEMENT ?
- Oui.
- TU MENS !
- Non, c’est vrai.
- Et moi, je dis que TU ES AMOUREUX D’UNE FILLE DE NOTRE
GROUPE !
J’avais gardé le
silence.
C’était une erreur
- la voix sut immédiatement qu'elle avait visé juste.
- Alors maintenant, TU VAS NOUS DIRE DE QUI ?!
Long silence.
Dire la vérité
équivalait à me mettre nu devant tout le monde.
- Attends, je crois que tu n’as pas bien compris ! Si
tu ne le dis pas, tu ne pourras jamais faire partie de notre groupe. Parce
qu'entre nous, on se dit tout. Comment on pourrait te faire confiance, si tu nous
dis pas de quelle fille tu es amoureux ?!
J'étais piégé.
Dos au mur.
Je crois que sans
m’en rendre compte, j’ai baissé la tête.
- De Maria, j'ai murmuré.
J’ai perçu remous
et chuchotements, là tout près, quelque part dans le noir.
Toutes mes pensées
allaient à Maria, Maria que je savais toute proche dans la pénombre.
Qu’allait-elle penser
de moi ? Je n'avais jamais osé lui adresser la parole et pourtant, j'étais fou
d'elle, de ses yeux noirs.
Depuis la première
seconde où je l’avais vue.
Depuis toujours.
- D’accord ! Si tu veux intégrer notre groupe, tu vas
devoir surmonter une épreuve.
- Une épreuve ? j'ai répété bêtement.
- Tu sais nager ?
- Oui.
- Tu es bon nageur ?
- Heu... oui, je me suis entendu répondre, en ne pensant qu’à
Maria.
Pour elle, j’aurais
dit oui à tout. En réalité, je savais à peine nager la brasse.
- On va voir ça. ALLEZ, TOUT LE MONDE DEHORS ! a crié
le chef.
Dehors, la nuit.
Le vent.
Celui du large qui
venait de la mer, toute proche.
J’ai demandé si je
pouvais enlever mon bandeau.
Le chef a répondu
non.
Quelqu’un a pris
mon bras sans ménagement – le chef, peut-être - et m’a guidé jusqu’au bord de la
falaise.
- ENLÈVE TON BANDEAU !
Le vent soufflait
si fort qu'il fallait presque faire effort pour tenir debout.
- SI TU VEUX FAIRE PARTIE DE NOTRE GROUPE, TU DOIS SAUTER
D’ICI ! a hurlé le chef.
Il l’a répété deux
fois, pour être sûr que tout le monde entende. Le vent soufflait si fort !
Je n’osais pas
chercher Maria des yeux. Je devais d’abord lui prouver que j’étais capable, que
je méritais de faire partie de leur groupe. Je me suis approché du bord.
En contrebas, peut-être
à vingt mètres, les vagues se fracassaient contre les rochers en soulevant des
gerbes d’écume.
J’ai perçu des cris,
des protestations. Quelqu’un a dit « Non, il va se tuer ! »
Une voix de fille. Était-ce Maria ?
- TU VAS SAUTER EN POUSSANT SUR TES JAMBES, POUR NE PAS
PLONGER À RAS DE LA FALAISE, LÀ OÙ SONT LES ROCHERS !
J'ai préféré ne
pas tergiverser, j'aurais peut-être fini par renoncer.
J'ai couru comme
un fou, avec toute la force de mes quinze ans et dans le vent et la nuit, j’ai
sauté dans le vide en criant « MARIA, JE T’AIME ! » mais
le vent soufflait si fort, je savais qu’elle ne m’entendrait pas.
Dans le vent et la nuit, j’ai sauté dans le vide... #Parcours initiatique #Chemin initiatique |
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