Marie, bon petit soldat |
Marie, il faut que je te dise quelque chose. Quelque chose que je n’ai jamais osé t’avouer. C’est important, Marie.
Je sais, ce n’est pas forcément le moment, ce n’est probablement pas le bon moment. Mais il faut que je te le dise, je ne peux plus garder le secret. C’est trop lourd.
Alors voilà. Ça fait trente ans que je suis amoureux de toi. Trente ans que je pense à toi tous les jours, chaque jour que Dieu fait.
Trente ans que je rêve de te prendre dans mes bras, de te serrer contre moi.
Trente ans que je rêve de t’embrasser, de respirer ton cou, tes cheveux, l’odeur de ta peau.
Trente ans que je crève d’envie de te faire l’amour.
Il est encore temps, Marie.
On n’est jamais trop vieux pour être heureux – et surtout, pour l’être ensemble.
Dis-moi oui, Marie et je te rendrai heureuse. J’en fais la promesse solennelle, sur ce que j’ai de plus cher au monde.
Je sais qu’avec Bruno, vous ne vous entendiez plus depuis longtemps. Depuis des années. Une éternité.
Je ne sais pas comment tu as pu lui rester fidèle, avec tout ce qu’il t’a fait subir !
Comment je le sais ? Il n’y avait pas besoin d’être sorti de Saint-Cyr pour s’en apercevoir.
Il n’avait plus d’attention pour toi.
Et toi non plus, tu ne le regardais plus vraiment. Tu faisais de ton mieux, en bon petit soldat.
Je sais que je ne devrais pas dire ça mais
pour moi, il ne te méritait pas.
Je t’aime, Marie.
Voilà ce que j’avais envie de lui dire. Voilà ce que j’avais toujours éprouvé, au plus profond de mon être, de ma chair.
Je m’approchais d’elle.
Bientôt, ce serait à mon tour de parler ;
il suffirait de lui glisser quelques mots à l’oreille, qu’elle sache - qu’elle
sache enfin !
Ensuite, elle déciderait.
Mais quand je suis arrivé à sa hauteur, mon visage à quelques centimètres du sien, ce ne sont pas ces mots-là que j’ai entendu sortir de ma bouche.
-
Marie, je te présente mes condoléances.
- Merci.
Bruno, son époux – et mon meilleur ami depuis
l’enfance –, Bruno venait de mourir d’une crise cardiaque.
Il était là, juste à côté. Allongé dans son cercueil, les mains jointes sur le ventre comme si, lui qui n’avait jamais cru en Dieu, s’adonnait à la prière.
Déjà, quelqu’un se pressait dans mon dos pour
prendre ma place.
-
Au revoir, Marie ! j’ai murmuré.
J’ai tenté d’accrocher son regard, en vain. Elle était déjà avec quelqu’un d’autre.
Elle n’était déjà plus avec moi.
#Ce que je n'ai jamais osé te dire
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