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Un type énorme et alcoolisé |
MARIA
- Tu danses ?
J’étais sur la piste quand ce type au cou de taureau, énorme - pour ne pas dire monstrueux - et dégoulinant de sueur est venu vers moi. J’ai tout de suite su que ça allait mal se passer.
- Tu danses ?
Que ça allait mal se passer et cela, que je lui réponde oui ou non.
- Tu danses ?
Si j’acceptais, j’étais sûre qu’il allait me coller et me mettre les mains aux fesses. Et si je refusais, c’était bien le genre à m’insulter et me prendre la tête - « Pourquoi tu veux pas ? Tu crois que tu es trop bien pour moi, c’est ça ?! » - voire, à me mettre une baffe devant tout le monde.
J’étais coincée.
- Tu danses ?
Alors j’ai eu cette idée, cette troisième voie – un peu improbable, je l’avoue.
- Ce n’est pas que je ne veux pas. Mais mon copain, ça risque de l’énerver. Et je m’en voudrais qu’il vous fasse du mal.
Règle numéro un de la meuf en mode survie, face à l’agressivité du mâle lourdingue : le détourner de son objectif initial.
Et pour cela – en prenant en compte son taux de testostérone dans le rouge clignotant -, une seule possibilité : le toucher dans son ORGUEIL.
- ME FAIRE DU MAL, À MOI ? Il est où, ton mec ?!
- Là-bas, au bar.
Et du doigt, je lui ai désigné Jean-Philippe.
Désolée, Jean-Phi. Je ne pouvais vraiment pas faire autrement !
JEAN-PHILIPPE
C’est vrai, j’étais amoureux de Maria. Amoureux fou. J’aurais fait n’importe quoi pour elle. Même si je savais bien que je n’étais pas – et que je ne serai jamais son type.
Maria, elle aurait pu avoir tous les mecs de la Terre, si elle avait voulu. Tandis que moi, j’étais juste le bon copain qui emmène tout le monde en boite avec sa voiture. Avant de rester assis sur un pouf en buvant du jus d’orange, en regardant les couples se faire et s’embrasser à pleine bouche.
Quand j’ai vu ce gros balèze au cou de taureau venir rapidement vers moi – exactement comme s’il m’en voulait personnellement -, j’ai tout de suite eu le pressentiment que les choses allaient mal tourner.
- Hé, mec ! C’est toi qui veux pas que je danse avec ta copine ?!
- Heu…
J’ai vu Maria, juste derrière lui, les mains jointes comme si elle priait et j’ai compris.
Compris que s’il y avait bien une fois dans ma vie où je devais prouver que j’étais un homme – et que j’en avais, moi aussi -, c’était maintenant.
- Oui, c’est moi ! j’ai rétorqué, avec la voix la plus virile qu’il m’était donné d’avoir.
Et j’ai ajouté :
- Et maintenant, tu lui fous la paix !
MARIA
Je savais bien que ce n’était pas un cadeau que je faisais à Jean-Philippe.
Et je mentirais, si je disais n’avoir pas été consciente du risque que je lui faisais courir.
Mais d’une part, j’avais peur - si peur !
Et de l’autre, je ne pensais pas que cela irait si loin.
Sincèrement.
JEAN-PHILIPPE
Je suis revenu à moi trois jours plus tard.
Les médecins m’avaient placé en coma artificiel. « Pour m’éviter de souffrir », m’ont-ils dit.
Je m’en suis sorti avec de multiples traumatismes, une liste longue comme le bras – des dents cassées, une fracture du plancher orbital, un traumatisme crânien, etc.
Le plus gros des dommages a été causé quand je me suis retrouvé par terre et qu’il a voulu me finir à coups de Santiags. À ce que l’on m’a raconté, ils ont dû s’y mettre à sept ou huit pour l’empêcher de s’acharner sur moi.
Heureusement, il aurait pu me tuer.
J’ai perdu une partie de mon intégrité physique. Mais j’ai gagné l’estime de Maria – Maria qui, jusque-là, me regardait comme si je n’avais guère plus d’importance qu’un ectoplasme.
Elle est venue me voir à l’hôpital.
Et elle m’a fait un bisou sur le front.
Elle n’est pas encore folle amoureuse de moi, c’est vrai. Mais c’est un début. Quand je me serai fait recoudre la mâchoire et que mon œil, qui a triplé de volume, aura retrouvé une taille normale, tous les espoirs me seront permis.
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